Les thèses de la BU : 50 ans de recherches à l'université

 

A l'occasion du cinquantenaire de l'université, la bibliothèque universitaire a déjà mis en valeur son patrimoine architectural ; elle propose de mettre en avant dans le cadre de ce blog consacré à la filiation entre livre et numérique un autre patrimoine, celui des thèses de l'université dont elle a la mission de conservation. En effet, quelles collections de la bibliothèque pourraient mieux incarner l’histoire de la recherche à l’université depuis sa création et les mutations technologiques de ces cinquante dernières années que le fonds des thèses, riche de 7500 thèses imprimées et de 450 thèses électroniques soutenues entre 1965 et 2014 ?

Le fonds reflète les grandes mutations dans les pratiques d’écriture et d’illustrations des thèses, visibles dans la rubrique du blog « Du papier au numérique ». Quel écart entre les thèses dactylographiées et maintes fois corrigées des débuts et la qualité esthétique qu’offre aujourd’hui le numérique ! Les évolutions technologiques ont non seulement concerné les collections, mais aussi leur signalement. Certains chercheurs que nous avons interrogés pour la rubrique "Etre doctorant hier, aujourd'hui et demain" se souviennent du temps passé à faire les recherches bibliographiques au temps où les catalogues en ligne n'existaient pas. Une lecture de la rubrique "Retrouvez les thèses de Paris Ouest" montre que le fichier papier a pratiquement disparu au profit d'un signalement en ligne bien plus pratique. La reproduction des thèses passe aussi progressivement de la microfiche au numérique, bientôt disparaitront sûrement ces lecteurs de microformes qui paraissent obsolètes aujourd'hui.

Grâce à l’analyse du fonds, rendue possible par des extractions de notices bibliographiques qui mentionnent l’identité du docteur, le sujet, la date de soutenance et le directeur de thèse, nous pouvons remarquer l’ampleur des travaux de doctorat à Nanterre, le nombre de soutenances de thèses par an depuis 1968 étant rarement inférieur à 100 et allant jusqu’à 248 en 1985. Ce n’est pas étonnant dans une université qui a misé sur la recherche pour assurer sa crédibilité et sa réussite; n’oublions pas en effet que l’ancienne Faculté des Lettres et Sciences humaines, annexe de la Sorbonne ouverte en 1964 à Nanterre en réponse à la saturation des locaux parisiens, et la Faculté de droit et de sciences économiques, installée sur le campus en 1966, n’ont formé qu’en 1970 une université à part entière. Dès la création de l’université de Nanterre, les professeurs furent associés à la direction des travaux de recherche qui faisaient le prestige de la Sorbonne.

Le fonds contient à l’origine des doctorats de troisième cycle, ouvert aux titulaires d’une maîtrise après la réforme Fouchet de 1966, et des doctorats d’Etat qui correspondaient au grade de docteur du décret de 1808 et qui faisaient souvent suite au doctorat de troisième cycle. Après la réforme 1984, après laquelle ne subsiste qu’un unique doctorat, le fonds ne comprend plus que des doctorats, dont la durée de préparation recommandée est de trois années, et des habilitations à diriger des recherches, nouveau diplôme créé en 1984 pour accéder au corps des professeurs des universités.

Le troisième cycle à l’université de Nanterre a d’abord concerné les Lettres et Sciences humaines, les disciplines les plus représentées en doctorat lors des premières années de l’université étant la philosophie, la sociologie, l’histoire, la littérature française et la géographie. L’attrait pour la philosophie reposait en grande partie sur la renommée du corps professoral. Nombreux furent en effet les anciens étudiants de la Sorbonne qui suivirent leur directeur parti à Nanterre tel Paul Ricoeur qui dirigea la majorité des thèses pendant plusieurs années. La sociologie rencontrait également un certain succès car Nanterre était une des rares universités françaises à proposer cet enseignement au début des années 1970. Les étudiants de l’EPHE venaient aussi remplir les rangs des doctorants dans la période 1966-1972, notamment dans les départements de sociologie et d’histoire.

Les thèmes de recherche sont dès les premières années de l'université tournés vers le monde contemporain, donnant à la recherche nanterroise un caractère novateur et ouvert qu’elle conservera par la suite. Les quatre décennies suivantes confirment le dynamisme de la recherche à Nanterre et mettent en valeur d’autres disciplines : les sciences économiques, qui prennent la première place en nombre de soutenances de thèses, mais aussi la psychologie, l’ethnologie, le droit, les arts, les sciences du langage, les sciences de l’éducation et les sciences politiques. 

Si nous nous attachons aux profils des doctorants, c’est l’évolution du nombre de femmes qui retient l’attention : fortement minoritaires jusqu’aux années 1980, leur nombre de femmes docteurs a peu à peu égalisé puis dépassé celui des hommes. La forte présence de doctorants étrangers est aussi remarquable à l’université de Nanterre, particulièrement dans les années 1980-1990 et 1997-2001. Les doctorants africains sont de loin les plus nombreux (plus de 180000), suivis par les doctorants européens (90000 environ). La comparaison entre les nationalités des doctorants et les zones géographiques étudiées dans les thèses de l’université montre une corrélation forte entre ces deux éléments : ainsi, les dix pays les plus étudiés - Maroc, Algérie, Brésil, Italie, Mexique, Cameroun, Côte d’Ivoire, Allemagne, Etats-Unis, Grèce - font partie des pays d’où viennent le plus de doctorants étrangers, à l’exception des Etats-Unis. C’est ainsi un pan des relations internationales de ces cinquante dernières années que laisse entrevoir la liste des nationalités des doctorants.

Parmi ces doctorants de Nanterre, hommes ou femmes, français ou étrangers, plusieurs sont devenus d’éminents professeurs, chercheurs ou hommes politiques. Vous trouverez quelques biographies de personnalités dans la rubrique « Ils ont soutenu leur thèse à Nanterre ». D'autres sont devenus directeurs de recherche à l'université de Paris Ouest et confrontent sur ce blog leurs anciennes pratiques de recherche avec celles des doctorants actuellement inscrits à l'université. C'est en écoutant ou en lisant les entretiens de doctorants d’hier et d’aujourd’hui et en parcourant l’ensemble des thèses conservées à l’Université Paris Ouest que nous pouvons saisir le caractère vivant de la recherche doctorale et la filiation des supports et des idées.

Bonne navigation dans l'histoire des thèses de l'université!