1) Vous avez soutenu votre thèse à Nanterre en 1997, pouvez-vous nous parler de votre sujet de thèse ?
Ma thèse portait sur le système des personnages dans le théâtre espagnol du Siècle d’or. Il s’agissait d’étudier le rapport entre le personnage et l’action à partir d’un corpus de textes incluant également une dimension comparatiste puisque le théâtre français du XVIIe siècle s’est abondamment inspiré de la Comedia espagnole.
2) Quel chemin avez-vous parcouru depuis ? Quel est aujourd’hui votre domaine de spécialité, et quel poste occupez-vous à Nanterre ?
J’ai été recruté comme maître de conférences à l’université de Paris IV avant de venir à Nanterre comme professeur de littérature et de civilisation de l’Espagne du Siècle d’or.
3) Pourquoi avez-vous choisi de faire de la recherche à l’Université de Nanterre ? Quelle était la place de votre discipline à l’Université ?
Je me suis inscrit à Nanterre parce qu’y enseignait alors Jean Canavaggio,qui avait accepté de diriger mes recherches.
4) Quelles étaient vos conditions de travail au moment de votre doctorat ? Avez-vous des anecdotes à raconter, notamment sur des difficultés techniques (catalogues papier, recherches bibliographiques non exhaustives, machines de traitement de texte etc.) que vous auriez rencontrées ?
J’ai probablement fait mon doctorat dans les années qui ont vu se mettre en place définitivement l’accès massif à l’ordinateur personnel. Quand j’ai commencé mon doctorat, les catalogues étaient en effet tous manuels, et j’ai moi-même commencé à collecter ‘à l’ancienne’ des données, à l’aide de fiches cartonnées. La grande peur était à l’époque de perdre son travail parce que les capacités de stockage étaient sans rapport avec ce qu’elles sont devenues aujourd’hui : on imprimait beaucoup, et en tout cas systématiquement, son propre travail.
5) Quelles relations entreteniez-vous avec votre bibliothèque universitaire ? Et maintenant ?
Des relations excellentes, notamment grâce à la possibilité d’emprunter des livres. Je dirais la même chose aujourd’hui.
6) Quels étaient vos rapports avec votre directeur de recherche ? En tant que directeur de recherche à votre tour, pensez-vous que les rapports entre doctorant et directeur de recherche aient changé ?
Je crois que les rapports dépendent beaucoup des personnes concernées. Plus ou moins distants, plus ou moins cordiaux. J’avais et j’ai encore d’excellents rapports avec mon directeur de thèse, dont j’ai apprécié à l’époque qu’il me laisse une grande liberté dans la façon de mener ma recherche, tout en sachant me donner des conseils décisifs au moment opportun. Peut-être les choses ont-elles évolué vers un travail collectif impliquant davantage les doctorants dans des tâches menées par une équipe. Mais globalement je pense que la situation est la même, c’est-à-dire qu’elle est fondamentalement variable en fonction des individus ; certains doctorants travaillent en totale autonomie tandis que d’autres sont davantage au contact de leur directeur.
7) Quel regard portez-vous sur les doctorants d’aujourd’hui ? Avez-vous constaté une évolution des préoccupations des doctorants au sujet de leur thèse ?
Dans la conjoncture actuelle, qui n’est pas très favorable aux doctorants (au moins dans le domaine des Humanités dans lequel se situent mes recherches), je veux dire en termes de débouchés professionnels, beaucoup sont assez inquiets de leur avenir, ce qui me semble compréhensible.
8) Quels conseils donneriez-vous aux doctorants pour valoriser leur thèse dans le milieu professionnel ? A votre avis, pourquoi les doctorants français ont-ils plus de mal à être recrutés que leurs homologues dans les pays étrangers ?
Je dirais, en parlant du contexte scientifique des Humanités, que je connais, qu’un doctorant devenu docteur doit faire valoir sans complexes qu’il a obtenu un très haut niveau d’expertise dans un domaine spécialisé — et c’est précisément la spécialisation qui fait l’expertise — mais que les exigences de la thèse qu’il a menée à bien l’ont armé d’un grand nombre de compétences — traitement de données, capacité de synthèse, procédures rigoureuses d’analyse, rédaction, etc. — qui peuvent parfaitement trouver à s’employer dans d’autres environnements professionnels que ceux de l’enseignement supérieur et de la recherche.
9) Enfin, comment définiriez-vous le rôle des chercheurs dans la société ?
Je pense que les chercheurs ont pour rôle de créer du savoir, de déplacer les frontières des connaissances, de divulguer les résultats de leur recherche dans l’espace social et je crois également que, pour certains domaines de recherche comme le mien, qui impliquent de s’intéresser à une réalité sociale et culturelle distante de la nôtre, leur travail a aussi une dimension patrimoniale qu’il ne faut pas négliger.